Naître dans un pays ne suffit pas à faire de soi un enfant légitime de cette terre. La nationalité, aussi officielle soit-elle, ne garantit pas l’appartenance. En Europe comme en Amérique du Nord, l’identité nationale s’est construite autour d’un modèle étroit : blanc, chrétien, occidental. Tout ce qui s’en écarte demeure souvent en marge.
Un Haïtien né aux États-Unis ou au Canada, un Africain venu au monde sur le sol européen, peut maîtriser la langue, connaître les codes, posséder tous les papiers. Mais dans les salons feutrés où se croisent les puissants, comme dans les regards ordinaires des passants, il reste un corps étranger. On l’appelle « Afro-Américain », « Afro-Canadien », « Afro-Français » — comme pour mieux signifier qu’il n’est jamais tout à fait d’ici. Que sa présence, tolérée, n’est jamais pleinement légitime.
Les Blancs connaissent trop bien la valeur de la terre pour vouloir vraiment la partager. S’ils l’avaient voulu, ils l’auraient fait avec les peuples autochtones d’Amérique, au lieu de les décimer. Ils auraient intégré les Roms, présents en Europe depuis des siècles, au lieu de les traiter comme des intrus. L’exclusion, dans ces sociétés, ne repose pas sur une simple différence de papiers. Elle s’enracine dans une histoire, dans une mémoire soigneusement entretenue — et sélective.
Penser que l’Européen ou l’Américain blanc partagera équitablement la terre avec les Noirs, c’est ignorer l’histoire. C’est oublier que l’accueil n’est souvent qu’un calcul : quand la main-d’œuvre manque, quand la natalité décline, on ouvre les portes. Mais dès que le besoin disparaît, on referme, on repousse, on stigmatise. L’étranger est toléré, jamais pleinement accueilli.
Ainsi, un Haïtien né au Québec peut s’entendre dire qu’il n’est pas un « vrai » Canadien. Un jeune Noir né à Paris ou à Berlin passera sa vie à justifier ses origines, comme si sa couleur trahissait son lieu de naissance. Pour ceux qui portent une autre mémoire, la légitimité reste toujours conditionnelle.
Mais comment appartenir à un espace où, dans les livres d’histoire, les médias et les récits nationaux, il n’y a presque aucun héros noir ? Comment les descendants des arrivants pourraient-ils croire qu’ils ont les mêmes droits que les fondateurs, quand ces derniers ont dû exterminer les peuples autochtones pour s’approprier les terres — alors même que ce sont, ironiquement, les mains des arrivants qui ont contribué à bâtir des pays comme le Canada ou les États-Unis ?
Texte de : Fernando Mercier
Bibliographie
Anderson, Benedict (1983). Imagined Communities : Reflections on the Origin and Spread of Nationalism. Londres, Verso.
Appiah, Kwame Anthony (1992). In My Father's House : Africa in the Philosophy of Culture. Oxford, Oxford University Press.
Balibar, Étienne & Wallerstein, Immanuel (1990). Race, nation, classe : Les identités ambiguës. Londres, Verso.
Churchill, Ward (1997). A Little Matter of Genocide : Holocaust and Denial in the Americas, 1492 to the Present. San Francisco, City Lights.
Coates, Ta-Nehisi (2015). Between the World and Me. New York, Spiegel & Grau.
Fanon, Frantz (1952). Peau noire, masques blancs. Paris, Éditions du Seuil.
Kelley, Robin D. G. (2002). Freedom Dreams : The Black Radical Imagination. Boston, Beacon Press.
Liégois, Jean-Pierre (1994). Roms et Tsiganes. Paris, La Découverte.
Mbembe, Achille (2010). Sortir de la grande nuit : Essai sur l’Afrique décolonisée. Paris, La Découverte.
Memmi, Albert (1957). Portrait du colonisé, précédé du portrait du colonisateur. Paris, Buchet-Chastel.
Noiriel, Gérard (2007). À quoi sert l’identité nationale. Marseille, Éditions Agone.
Robinson, Cedric J. (1983). Black Marxism : The Making of the Black Radical Tradition. Londres, Zed Press.
Said, Edward W. (1978). Orientalism. New York, Pantheon Books.
Oui c'est vrai. On nous rappelle notre origine de temps à autre.
RépondreSupprimerBah, faut vivre avec et manifester fierté et amour.
Supprimerles peuples se replient sur eux. On dirait il n'y a pas assez ressources pour tout le monde
Supprimermen misye pale pawòl la
RépondreSupprimermiche byen lage wi
Supprimerwi
Supprimermoun yo konn tè , yo konn lò🙆🙆🙆
RépondreSupprimerle monde change mais il n'y a que les noirs qui cherchent à s'accrocher des jupes des pays riches. Ils délaissent l'afrique et quand ils arrivent ici ils critiquent
RépondreSupprimerBAW 👍
RépondreSupprimer🤣
Supprimerjan bagay la ap vire la nan mond lan ou santi peyi rich yo vle chanje politik akeyi moun nan e libere peyi nwa ki te sou lobedyans yo. Ann priye pou Ayiti 🛐
RépondreSupprimerayiti pa gen moun serye ankò
SupprimerLa loi du sang 🩸
RépondreSupprimerGood Job mi brotha 👏
RépondreSupprimerOn refuse de construire notre pays on préfère le piller pour aller enrichir des endroits qui ne nous acceptent pas. L'esclavage mental.
RépondreSupprimerPwochèn fwa mete referans yo nan tèks la.
RépondreSupprimerWi referans nan kò tèks la tap enteresan.
RépondreSupprimerbon bagay nèg pa
RépondreSupprimerVanse !
RépondreSupprimere pil ti moun nwa ki fèt USA, Kanada, ewòp yo ki nasyonalite yo ? Se la LoI du sol wi yo priyorize nan peyi sa yo.
RépondreSupprimerzanmi teritwa ameriken, kanadyen, ostralyen se blan ki konkeri li. Menm jan teritwa ayiti a se nwa ak milat nan yon degre mwend ki konkeri li. Ayiti se pou nwa ak Milat liye..Peyi oksidantal yo se pou blan yo ye.
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