Pour savoir si un homme est digne, il faut observer son attitude face à l’adversité et à la misère. Combien de jeunes, parmi les plus virulents homophobes, avez-vous connus qui exprimaient une haine viscérale contre les homosexuels… mais qui, pour quitter Haïti, n’ont pas hésité à cocher la case « homosexuel » sur leur formulaire de visa canadien ?
Il n’y a pas de plus grand bluffer que l’Haïtien. Il cherche toujours à tromper les autres en faisant croire qu’il est quelqu’un ou quelque chose qu’il n’est pas. À l’oral, il tient des discours hostiles, méprisants envers les homosexuels — souvent pour plaire à son entourage ou par réflexe culturel. Mais sur papier, face à une opportunité de fuir la précarité, il change de costume : il devient homosexuel, persécuté, vulnérable. Non pas par conviction, mais par stratégie.
Parfois, son homophobie n’est qu’un masque. Il n’éprouve pas forcément une aversion sincère envers les homosexuels ; il perçoit plutôt l’homosexualité comme une passerelle vers certains privilèges auxquels il n'a pas accès : un poste dans une ONG, un réseau d’influence, ou un visa. Ce qu’il combat, ce ne sont pas tant les homosexuels que les avantages réels ou supposés qui leur sont accordés.
Il pourrait même aller jusqu’à s’adonner à des pratiques homosexuelles pour obtenir ces bénéfices, pour faire partie des cercles dits Massi-Madi — mais il s’en abstient. Non par morale, mais par peur. Peur qu’un partenaire parle. Peur que ses propos d’hier le rattrapent. Peur de passer du rôle de juge à celui d’accusé. Ce n’est pas la morale qui le retient, c’est le scandale.
Mais une fois seul devant le formulaire, il n’hésite pas. Il sait que le Canada accorde une attention particulière aux personnes persécutées pour leur orientation sexuelle. Il sait aussi que ce mensonge restera sans témoin : ni sa famille, ni ses amis ne verront ce qu’il a écrit. Alors il ment. Il se déclare homosexuel. Juste le temps d’un visa.
Homophobe à l’oral, homosexuel sur le formulaire : il incarne cette hypocrisie sociale qui s’adapte aux circonstances, qui ment pour survivre, qui crache sur ce qu’il convoite. Dans un pays où la misère pousse à toutes les contorsions, il devient ce qu’il faut être pour partir. Non par orientation, mais par destination.
Note de l’auteure :
Ce texte ne cherche ni à banaliser la souffrance réelle des personnes LGBTQ+ ni à stigmatiser une population. Il met en lumière un phénomène social observable dans un contexte de misère et d’opportunisme : comment certains individus instrumentalisent une cause qu’ils méprisent en public, simplement pour fuir leur pays. C’est une critique de l’hypocrisie, non de l’orientation sexuelle.
Martha Marcelin
ayisyen se blofè vre wi. se nan tout bagay wi yo blofè
RépondreSupprimerlè yo rive lòtbò dlo anpil nan yo poze
RépondreSupprimerMadame vous maitriser la sociologie haïtienne. Un texte profound qui parle d'un problème social important.
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