Autrefois, ils prenaient la parole partout, enflammés par les lectures de Fanon, de Chomsky ou de Lumumba. Ils dénonçaient avec passion l’impérialisme américain, le néocolonialisme canadien et toutes formes d’ingérences étrangères. Pour eux, les États-Unis incarnaient le grand Satan, et le Canada, un complice sournois de la domination mondiale.
Mais en vérité, beaucoup d’entre eux avaient surtout faim. Faim de reconnaissance, faim de voyage, faim tout court. Leur discours tonitruant masquait un mal-être plus banal : la précarité. Le radicalisme servait d’issue de secours. Sitôt qu’ils obtiennent une bourse, un visa, un billet d’avion, leur rhétorique s’adoucit. Une fois rassasiés, une fois au chaud dans un studio montréalais ou un dortoir universitaire à Washington, la colère révolutionnaire se dissout dans la mousse d’un cappuccino.
Aujourd’hui, on les retrouve bien connectés au Wi-Fi, partageant entre amis les souvenirs de luttes passées. Des amis qui, hier encore, vomissaient l’Occident mais qui, désormais, en vantent la démocratie, les droits humains, les services publics. Ils citent Rawls avec enthousiasme et découvrent soudain les vertus du libéralisme qu’ils vomissaient autrefois.
Ironie du sort ? Pas vraiment. Plutôt le triomphe du confort sur la conviction, du passeport biométrique sur les pamphlets révolutionnaires. Certains diront qu’ils ont « évolué ». Qu’il faut bien s’adapter quand on paie un loyer à 2 000 dollars et qu’on travaille chez Amazon. Peut-être. Mais il est frappant de constater à quelle vitesse les discours enflammés deviennent tièdes à peine le pied posé à JFK.
Ce revirement n’est pas qu’une contradiction personnelle. Il traduit un désespoir collectif. Quand un pays n’offre ni sécurité ni avenir, même les plus fervents opposants à l’Occident finissent par choisir l’exil. On ne fuit pas par trahison, mais par lassitude. Leur haine de l’Occident n’était souvent qu’une forme de jalousie maquillée en conscience politique.
La mémoire, pourtant, reste tenace. Parfois, au détour d’une conversation, refait surface un ancien discours, une vieille indignation. On esquisse un sourire gêné, on lance une pirouette intellectuelle...puis on retourne à ses obligations.
Maître Marc Asnel Céus
pèp blofè wi
RépondreSupprimernan mòd TT yo koken yo mètdam..
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