À quoi sert une élite médiatique qui ne parle jamais au nom du peuple ? En Haïti, cette question n’est plus rhétorique. Depuis des années, ceux qui contrôlent micros, caméras et colonnes d’opinion semblent parler d’en haut, pour défendre les puissants. Loin d’être une vigie, l’élite médiatique traditionnelle s’est transformée en complice silencieuse de la machine de domination. Peut-on encore lui accorder le moindre crédit ?
Avec l’arrivée des réseaux sociaux, une fracture historique s’est opérée : deux élites médiatiques cohabitent aujourd’hui, avec des logiques et des légitimités radicalement opposées.
D’un côté, l’élite médiatique traditionnelle : journalistes diplômés, éditorialistes en cravate, patrons de presse bien introduits, formés dans les bonnes écoles et adoubés par les cercles du pouvoir. Ils connaissent parfaitement les codes médiatiques, maîtrisent la rhétorique, et jouissent d’une légitimité construite dans la durée. Mais à quel prix ? Leur influence repose souvent sur des relations étroites avec les sphères politiques, économiques et culturelles — celles-là mêmes qu’ils devraient critiquer. Leur silence complice, leur neutralité feinte, leur prudence calculée : tout cela ne sert qu’à protéger un ordre établi. Un ordre qui opprime.
De l’autre côté, surgie des décombres de l’indignation, l’élite médiatique de circonstance : lanceurs d’alerte, influenceurs, citoyens indignés. Ils n’ont ni titres ni diplômes prestigieux. Leur studio, c’est leur téléphone. Leur média, c’est leur page Facebook, Youtube, Instagram, Tiktok. Mais leur parole frappe juste, car elle vient du vécu, de la rue, du ventre vide et de la colère collective. Leur seule légitimité, c’est celle que leur donne le peuple, lassé d’être trahi par ceux qui prétendent parler en son nom.
Ils n’ont pas de sponsors, pas de contrats publicitaires avec des multinationales, pas de rendez-vous dans les ambassades. Ils vivent des “likes”, des “shares” et de la vérité. Et c’est précisément parce qu’ils ne sont liés à aucun pouvoir qu’ils peuvent dire l’essentiel : ce que les autres taisent, camouflent ou édulcorent.
Alors posons la vraie question : à qui confier la voix du pays ? À ceux qui vivent de leur proximité avec les élites et qui prennent soin de ne jamais les déranger ? Ou à ceux qui, bien que précaires, n’ont rien à perdre et tout à dire ?
En vérité, Haïti ne sortira pas du chaos par les analyses tièdes des chroniqueurs de plateau. Le changement émergera des voix brutes, passionnées, imparfaites parfois, mais sincères et engagées. C’est cette parole, populaire et sans filtre, qui peut renverser l’inertie, réveiller les consciences, et porter les revendications oubliées.
L’heure n’est plus aux demi-mesures. Il faut choisir son camp. Et le peuple, lui, a déjà commencé à choisir le sien.
Jameson LEOPOLD
aucune autre forme de presse ne peut remplacer la presse traditionnelle. Elle est mieux formée, plus professionnelle
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