Depuis plusieurs années, une tendance bien connue s’est enracinée dans les habitudes de la classe politique haïtienne : mettre sa progéniture à l’abri, loin du pays qu’on prétend vouloir redresser. Tandis que la majorité des citoyens subit l’insécurité, l’effondrement des services publics et la pauvreté endémique, les enfants de certains dirigeants vivent confortablement aux États-Unis, au Canada ou en Europe. Sur le plan légal, cette pratique ne viole aucune loi. Mais au-delà du droit, elle soulève une question centrale : que révèle ce double standard sur le lien entre les élites et la nation qu’elles gouvernent ? Ce texte propose d’analyser les dimensions juridiques, symboliques et politiques de cette réalité devenue banale.
Juridiquement, le principe est clair : la responsabilité est individuelle. Ni le droit haïtien, ni les conventions internationales ne permettent de sanctionner les enfants pour les fautes ou choix politiques de leurs parents. Qu’ils soient nés à l’étranger ou y vivent en autonomie, ils ne sauraient faire l’objet d’une quelconque mesure punitive par simple lien de filiation. Ce fondement du droit moderne est essentiel pour éviter les dérives autoritaires et les logiques de vengeance collective.
Cependant, ce que la loi protège, l’éthique citoyenne questionne. En Haïti, où la population vit dans une précarité extrême, il est moralement choquant que ceux qui tiennent les rênes du pouvoir puissent protéger leur famille des effets de leur propre mauvaise gouvernance. L’image d’un ministre dont les enfants vivent en paix à Miami ou à Montréal, pendant que les écoles ferment et les hôpitaux croulent, nourrit un ressentiment profond.
Ce ressentiment est d’autant plus justifié que cette évasion familiale est souvent rendue possible par les privilèges du pouvoir. Visas diplomatiques, passe-droits administratifs, fonds publics détournés : tout est mis en œuvre pour que l’élite puisse offrir à sa descendance une échappatoire, pendant que la majorité subit les décisions qu’elle impose. La gouvernance devient alors un instrument d’auto-protection, et non un levier de transformation collective.
Le résultat est une rupture de confiance quasi totale entre gouvernés et gouvernants. Comment croire à la sincérité d’un élu qui n’investit ni son avenir ni celui de ses enfants dans le pays qu’il prétend servir ? Comment adhérer à un discours de réforme quand ses auteurs préparent en parallèle leur exil familial ? La distance n’est plus seulement physique ; elle devient symbolique, émotionnelle, presque cynique.
Pour autant, il ne s’agit pas de revendiquer une punition pour les enfants. Le respect du droit est non négociable. Mais il est impératif d’interroger la posture des dirigeants. Gouverner exige du courage, de la cohérence, et surtout de l’exemplarité. Quand un leader fuit les conséquences de ses actes, il nie par là même toute idée de justice. Et sans justice perçue, il ne peut y avoir de légitimité.
Smith Paul Eugène
This article is sponsored by Dalia Store Online and Pati Konbit Pou Demokrasi.

Kaka kap fèt.depote tout fatra yo
RépondreSupprimer