🔴 Lorsqu’une classe particulière prend le pouvoir, elle l’utilise pour son profit

Haïti traverse une phase particulière de sa transition politique. Avec la présidence tournante du CPT assurée par Laurent Saint-Cyr et la Primature confiée à Alix Didier Fils-Aimé, une configuration inédite s’impose : deux figures issues directement du milieu des affaires se retrouvent simultanément au sommet de l’État. Cette situation n’est pas le fruit du hasard, mais l’expression claire de l’influence de la bourgeoisie haïtienne sur le pouvoir politique.

Depuis toujours, l’élite économique haïtienne entretient une relation ambiguë avec l’État : d’un côté, elle dépend de lui pour protéger ses monopoles et garantir ses privilèges, de l’autre, elle refuse tout projet de réforme qui pourrait menacer ses intérêts. Aujourd’hui, avec Saint-Cyr à la tête du CPT et Fils-Aimé à la Primature, l’État semble s’être aligné totalement sur ces intérêts bourgeois.

Hegel avait déjà formulé une mise en garde : si l’État se réduit à la défense de la propriété privée et des libertés individuelles, il perd sa vocation universelle et se transforme en simple instrument d’intérêts particuliers. En Haïti, cette crainte devient réalité. L’appareil de l’État, censé incarner l’intérêt général, se confond avec la logique des affaires, reléguant la majorité de la population à la périphérie.

Marx, pour sa part, voyait dans l’État moderne un simple « comité » gérant les affaires de la bourgeoisie. La conjoncture actuelle en Haïti illustre parfaitement cette analyse. Le CPT et la Primature, loin de s’orienter vers une refondation nationale, apparaissent comme les leviers d’une transition au service de l’ordre bourgeois. La crise haïtienne ne se résout pas, elle est simplement administrée dans le sens des privilégiés.

Le danger d’une telle configuration est évident. Quand le pouvoir politique et économique se confondent, le peuple n’a plus de médiateur ni de représentant dans l’État. Ce dernier ne garantit plus la justice sociale, la sécurité ou le développement, mais uniquement la continuité d’un système qui enrichit une minorité et appauvrit la majorité. Ce divorce entre l’État et le peuple nourrit l’instabilité chronique, l’explosion des inégalités et la défiance envers les institutions.

En définitive, la présidence tournante du CPT assumée par Laurent Saint-Cyr et la Primature d’Alix Didier Fils-Aimé ne marquent pas un nouveau départ pour Haïti, mais bien l’aboutissement d’une logique ancienne : celle d’un État capturé par la bourgeoisie. Comme l’avaient pressenti Hegel et Marx, lorsqu’une classe particulière prend le pouvoir, elle l’utilise pour son profit. Et en Haïti, cette classe est la bourgeoisie commerçante, qui règne sur les ruines d’une République en quête de souveraineté.

Jameson LEOPOLD 

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