Depuis plusieurs années, certaines élites intellectuelles et politiques européennes nourrissent une idée persistante : les étudiants et professionnels venus du Sud utiliseraient les visas étudiants comme un prétexte pour s’installer durablement sur le continent (Migration Policy Institute Europe, 2025). Ainsi, la mobilité académique est trop souvent perçue comme une stratégie migratoire plutôt que comme un véritable projet d’apprentissage ou d’échange culturel.
En effet, le visa étudiant est fréquemment décrit comme un “cheval de Troie” (Fortune, 2024). Beaucoup de diplômés, au lieu de retourner dans leur pays d’origine, chercheraient à rester en Europe en changeant de statut ou en profitant des opportunités professionnelles locales. Cette vision alimente alors la crainte d’une “fuite des cerveaux inversée”, où l’Europe absorberait les élites du Sud au détriment du développement local (Brookings Institution, 2024).
Cependant, cette lecture demeure réductrice. Certes, les données de l’UNESCO et de l’OCDE montrent qu’environ 30 à 40 % des étudiants internationaux restent dans le pays d’accueil au moins quelques années après leur diplôme, notamment en Europe, au Canada ou aux États-Unis. Néanmoins, cette tendance varie fortement selon les régions du Sud : en Afrique subsaharienne, moins de la moitié des étudiants retournent rapidement faute d’opportunités locales, tandis que dans des pays émergents comme la Chine, l’Inde ou le Vietnam, les taux de retour sont beaucoup plus élevés grâce aux politiques de réinsertion. Autrement dit, ceux qui restent le font moins par stratégie migratoire que par manque de perspectives professionnelles équivalentes dans leur pays d’origine.
Par ailleurs, les universités européennes tirent elles-mêmes profit de cette mobilité grâce aux frais d’inscription, aux publications scientifiques et au dynamisme culturel qu’apportent ces étudiants (Carnegie Endowment, 2025). Ainsi, réduire ces mobilités à une simple “menace migratoire” occulte leur valeur ajoutée, tant pour les sociétés européennes que pour les pays du Sud.
Pourtant, un point sensible se dégage : de nombreux programmes promouvant la diversité et l’échange interculturel ont été freinés ou supprimés. Certains acteurs politiques et intellectuels européens les percevaient comme des portes d’entrée “cachées” pour l’immigration, ce qui a pesé lourdement sur leur avenir (The Guardian, 2025).
Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène. D’une part, un changement de regard : ces projets, initialement conçus comme des outils de diplomatie culturelle et de coopération Nord-Sud, ont été requalifiés en “risques migratoires” dans le contexte du durcissement des politiques migratoires (Migration Watch UK, 2025). D’autre part, un glissement sécuritaire a associé la mobilité académique à la lutte contre “l’immigration illégale”, conduisant à une réduction des programmes de bourses et d’échanges vers l’Afrique, la Caraïbe ou l’Asie (The Times, 2025).
Le paradoxe économique et social est manifeste. Alors que l’Europe manque de main-d’œuvre qualifiée — médecins, ingénieurs, chercheurs —, elle ferme des initiatives qui auraient permis de mieux encadrer et valoriser ces talents (Brookings Institution, 2024). De surcroît, les partis populistes alimentent ce climat en dénonçant les programmes académiques comme des passerelles vers l’installation durable (Fortune, 2024). Par crainte d’un backlash politique, de nombreux décideurs préfèrent donc freiner ou supprimer ces dispositifs.
Ainsi, la fermeture de ces projets liés à la diversité n’est pas seulement une question budgétaire ou académique. Elle reflète avant tout la perception que les étudiants et professionnels du Sud utilisent ces opportunités pour s’ancrer durablement en Europe (Migration Policy Institute Europe, 2025). Or, ce choix affaiblit les passerelles de coopération Nord-Sud et réduit le rayonnement culturel européen.
En définitive, alors que le monde a le plus besoin d’interconnexions et d’échanges de talents, la peur migratoire conduit à fermer des ponts qui auraient pu renforcer à la fois la diversité, l’innovation et le rayonnement de l’Europe (European Commission, 2025).
Bibliographie
1. European Commission. (2025). EU Talent Pool and Talent Partnerships. https://www.eeas.europa.eu/eeas/migration-mobility-forced-displacement_en
2. Brookings Institution. (2024). Understanding Europe's Turn on Migration. https://www.brookings.edu/articles/understanding-europes-turn-on-migration/
3. Migration Policy Institute Europe. (2025). How Can Labour Migration Policies Help Tackle Europe’s Looming Skills Crisis? https://www.migrationpolicy.org/sites/default/files/publications/mpie-gs4s-europe-skills-2025_final.pdf
4. Carnegie Endowment for International Peace. (2025). Migrants at the Gate: Europe Tries to Curb Undocumented Migration. https://carnegieendowment.org/research/2025/02/migrants-at-the-gate-europe-tries-to-curb-undocumented-migration?lang=en
5. Fortune. (2024). European governments are targeting international students to curb surging immigration—but it's costing universities billions. https://fortune.com/europe/2024/08/17/u-k-government-is-targetting-international-students-to-rein-in-surging-immigration-and-its-working/
6. The Guardian. (2025). EU may accept 12-month work visas for 'youth experience' scheme with UK. https://www.theguardian.com/world/2025/apr/25/eu-may-accept-12-month-work-visas-for-youth-experience-scheme-with-uk
7. The Times. (2025). Yvette Cooper considers 'one in one out' EU youth mobility scheme. https://www.thetimes.co.uk/article/yvette-cooper-considers-one-in-one-out-eu-youth-mobility-scheme-w9pr6p793
8. Migration Watch UK. (2025). Migration Watch UK. https://www.migrationwatchuk.org/
9. UNESCO & OCDE (2024). International Student Mobility Trends. https://www.oecd.org/education/international-student-mobility/
10. People’s Daily (2022). Chinese Students Abroad Returning Home in Record Numbers. https://en.people.cn/n3/2022/0930/c90000-10153971.html
Jameson LEOPOLD
This page is sponsored by Dalia Store Online, Pati Konbit Pou Demokrasi, Caëlle Edmond – SOS Solitude, and MK Company.
📌 Caëlle Edmond – SOS Solitude
💠 Profil personnel :
facebook.com/caelle.edmond.7
💠 Page publique :
facebook.com/SosSolitude
💠 Page officielle :
facebook.com/caellesossolitude2008
✨ Une voix engagée pour briser le silence autour de la solitude, de la souffrance mentale et de l’abandon. À travers la page SOS Solitude, Caëlle Edmond tend la main à ceux que la société oublie.

Organisez le pays et revenez nous parler. Nous ne pouvons pas risquer notre vie pour un pays qui ne nous habite plus.
RépondreSupprimer