Un an s’est écoulé depuis que la justice américaine a rendu sa décision historique dans l’affaire Jovenel Moïse. Cette sentence, prononcée près de trois ans après l’assassinat du président haïtien, avait provoqué un véritable choc dans l’opinion publique. Deux noms s’étaient alors imposés comme les grands bénéficiaires du verdict : Martine Moïse, la veuve du chef de l’État, et Joverlein Moïse, son fils aîné. Tous deux avaient obtenu, par jugement fédéral à Miami, des montants considérables à titre de dédommagement.
Le juge José Martinez avait ordonné à six personnes reconnues coupables d’avoir participé au complot d’indemniser la famille présidentielle. Martine Moïse s’était vue attribuer 5 305 387 dollars américains, tandis que Joverlein en avait reçu 865 396. En tout, près de 6,2 millions de dollars avaient été alloués à la famille, consacrant Martine et Joverlein comme les grands gagnants du volet américain de cette tragédie politique.
Pour Martine Moïse, cette victoire judiciaire avait été présentée comme une reconnaissance officielle de ses souffrances physiques et morales. Blessée lors de l’attaque et contrainte de s’exiler en Floride pour sa sécurité, elle avait obtenu réparation pour les frais médicaux, de sécurité et de déplacement engagés depuis juillet 2021. Aujourd’hui encore, elle réside dans le sud de la Floride, loin du tumulte haïtien, mais auréolée du statut de victime reconnue par la justice américaine.
Joverlein, lui, avait surpris plus d’un observateur par son inclusion dans la décision. Bien qu’il n’ait pas été présent lors de l’assassinat, il avait reçu un montant important, au nom du préjudice moral causé par la perte de son père. Cette reconnaissance judiciaire avait renforcé son image d’héritier légitime et symbolique du président défunt.
Mais le contraste demeure frappant. Alors que la justice américaine les avait indemnisés, la justice haïtienne, elle, avait choisi une voie opposée : Martine Moïse a été inculpée en Haïti pour « complicité et association de malfaiteurs ». Cette contradiction entre les deux systèmes avait mis en lumière l’écart abyssal entre les logiques judiciaires des deux pays — l’un cherchant la réparation, l’autre la responsabilité pénale.
Un an plus tard, le constat reste amer. Sur le plan financier et symbolique, Martine et Joverlein Moïse restent les véritables gagnants. Leur victoire devant la justice américaine leur a offert une reconnaissance et une aisance que peu auraient imaginées. Pendant ce temps, Haïti s’enlise encore dans ses querelles internes, sans justice claire pour le président assassiné — si bien que, pour beaucoup, l’histoire retient surtout la victoire des survivants plutôt que celle de la vérité.
Jamesley Rolls-Ainé
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