Fondateur du média

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Jameson LEOPOLD est Travailleur social et Gestionnaire. Il a fait des études de maîtrise en Sciences du développement à la Faculté d’Ethnologie et en Conseil et expertise en action publique à l’Université Toulouse 1 Capitole. Il est reconnu comme consultant en migrations et réintégration (déportation, retour volontaire et fuite des cerveaux), en renforcement institutionnel (création d’organisations, élaboration et gestion de projets) et en évaluation de projets. Fort de trois années d’études en linguistique, il a fondé Plume Souveraine et occupe actuellement le poste de directeur de la communication au sein du parti Konbit Pou Demokrasi.

jeudi 5 juin 2025

Laïcité trahie : Haïti sous le joug du concordat de 1860

A-t-on jamais jugé l’auteur colonial et son complice dans le devenir tragique d’Haïti ? L’Haïtien a-t-il réellement pu, à tête reposée, retracer la trajectoire historique de son malheur ? Pourquoi les tabous persistent-ils quand il s’agit de questionner la responsabilité du duo esclavagiste : la France et l’Église catholique ?

Tout commence le 5 décembre 1492, lorsque Christophe Colomb et les Espagnols débarquent sur l’île d’Hispaniola, aujourd’hui connue sous le nom d’Haïti. Dès le départ, la religion est instrumentalisée pour justifier l’asservissement des peuples autochtones, qualifiés de « barbares ». En l’espace de onze ans, plus d’un million d’Arawaks et de Taïnos sont exterminés, victimes d’un véritable génocide commis par des évangélisateurs devenus humanicides.

Le traité de Ryswick, en 1697, partage l’île entre deux puissances coloniales : la France s’approprie la partie occidentale, l’Espagne la partie orientale. De 1503 à 1803, des millions de Noirs sont arrachés à l’Afrique pour remplacer les populations autochtones décimées, tandis que l’Église catholique accompagne idéologiquement le système esclavagiste. Servante fidèle des deux empires, elle s’emploie à domestiquer l’esprit des esclaves, consolidant ainsi la machine coloniale.

Mais l’esclave finit par prendre conscience. Le point d’orgue de cette prise de conscience demeure le congrès du Bois Caïman, tenu du 14 au 22 août 1791. Une cérémonie spirituelle y a symbolisé le début d’un chemin irréversible vers la liberté, marquant l’embrasement révolutionnaire qui allait mener à l’indépendance.

Après la liberté conquise, la Constitution de 1805 sous Jean-Jacques Dessalines marque une rupture nette avec le passé : les articles 50 à 52 proclament la laïcité de l’État, garantissent la liberté de culte et interdisent l’entretien de tout culte par l’État. Mais ces principes sont vite trahis.

Le 28 mars 1860, le président Fabre Nicolas Geffrard signe un concordat avec le Vatican, réinstaurant le catholicisme comme religion officielle, avec tous les privilèges que cela implique, en contradiction flagrante avec l'esprit de 1805. Ce concordat est accompagné de textes subséquents, notamment :


Le texte additionnel du 28 mars 1860 ;


La convention organique du 6 février 1861 sur la répartition territoriale et le financement de l’Église ;


La convention du 17 juin 1862 sur les salaires du clergé et le financement des séminaires.


Même les efforts de nationalisation du clergé imposés par les Duvalier entre 1958 et 1966 n’ont pas permis de rompre avec cette domination religieuse. L’Église catholique demeure aujourd’hui encore une charge pour l’État haïtien.

Dans une société exsangue sur le plan économique et en mutation sur le plan spirituel, le concordat de 1860 apparaît comme l’une des plus grandes arnaques de l’histoire d’Haïti, au même titre que la rançon de l’indépendance imposée par la France. Ces deux chaînes invisibles entravent la cohésion nationale et la modernisation de l’État.

Il est temps de briser ces silences. Il est temps de résoudre, sans tabous, les problèmes structurels et conjoncturels qui gangrènent notre société. La France doit restituer la rançon de l’indépendance. L’Église catholique doit reconnaître sa responsabilité dans le sous-développement d’Haïti. Le concordat de 1860 doit être dénoncé, et les biens de l’Église construits avec les fonds publics doivent être nationalisés.

La laïcité ne doit plus être un principe ignoré. Elle doit devenir la clé d’une réconciliation nationale, garantissant un espace pluriel pour tous les Haïtiens, sans distinction de croyance ni d’origine.  

Amos PIARD 


1 commentaire:

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